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Artifices anti-hiér­archiques à l’usage des groupes

 
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Publié dans Vacarme n°43 (printemps 2008), par Elena Jordan & David Vercauteren.

Voir en ligne: vacarme.org

Les années 1970 marquent un tournant dans l’histoire de l’action collective : échaudés par la dérive hiérarchique des partis et des syndicats traditionnels, de nombreux collectifs cherchent des formes d’organisation plus horizontales — sans toujours y parvenir. Le texte qui suit pourrait être l’avant-propos d’un livre de recettes anti-autoritaires, dont l’écriture dépend de nous.

Comment un groupe égalitaire peut-il se débarrasser des passions tristes qui l’envahissent lorsque les tropismes hiérarchiques qu’il croyait avoir conjurés ressurgissent en son sein [1] ?

Précisons le problème. Les années 1960 et 1970 voient l’émergence de groupes politiques qui prennent leurs distances avec les formes verticales d’organisation héritées du mouvement ouvrier — parti, syndicat, groupuscule — et avec le type d’engagement qui leur est lié, celui du « militant », exemplaire dans son dévouement, implacable dans celui qu’il exige. Les années 1990 prolongent ce mouvement. Fleurissent, dans tous les champs de lutte, des collectifs triplement arc-boutés contre la dérive hiérarchique des appareils d’antan. Faiblement institués, ils cherchent à prévenir les risques de bureaucratisation. Reposant sur un engagement plus individualisé et plus intermittent, ils laissent moins de prise aux logiques sacrificielles, sources d’assujettissement. Et soucieux de démocratie directe, tant dans leurs formes d’intervention publique que dans leurs modes de décision internes, ils entravent le processus d’autonomisation des représentants qui guette toute organisation dotée d’une direction distincte. En un mot, à la manière des indiens guayakis chers à Pierre Clastres, ces collectifs cherchent à brider l’émergence d’un pouvoir séparé. Ils n’y parviennent pas toujours.

[1Ce texte est issu d’un travail réflexif mené entre 2003 et 2006 par des membres du Collectif Sans Ticket (CST) et du Groupe de Recherche et de Formation Autonome (GreFA). Confronté à l’expérience d’autres groupes belges, espagnols et français — dont Vacarme —, ce travail a donné lieu à la publication d’un livre : Micropolitiques des groupes. Pour une écologie des pratiques collectives, HB éditions, 2007.

[2Voir Recherches, « Histoire de La Borde, dix ans de psychothérapie institutionnelle », 1976.

[3Jo Freeman, La tyrannie de l’absence de structure, 1970, http://www.infokiosque.net.

[4Roberto Michels, Les Partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, 1911.

[5Isabelle Stengers, séminaire « Usages et enclosures », CST/GReFA, Bruxelles, mai 2002 http://www.enclosures.collectifs.net.

[6Félix Guattari, Psychanalyse et transversalité, Maspero, 1972.

[7Michel Foucault, in H. Dreyfus et P. Rabinow, Michel Foucault, un parcours philosophique, Gallimard, Paris, 1984.

[8Starhawk, Femmes, magie et politique, Les Empêcheurs de penser en rond, 2003. Voir également son site : http://www.starhawk.org, et l’annexe de Micropolitiques des groupes (op. cit.), qui détaille ces cinq rôles.

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