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« Décider » nous vient du latin decidere, dans lequel interviennent d’autres mots tels que caedere/caesus, qui signifie « couper », « trancher », « tailler » mais aussi le suffixe « cide », que l’on retrouve par exemple dans « matricide », « parricide », où il sert à désigner le meurtrier ou le meurtre lui-même. Sur caesus s’est construit le mot caementum qui, en bas latin, désignait le « mortier dans lequel les maçons incorporaient des éclats de pierre » [1].

« Décider » désigne donc ce moment où le groupe se cimente et où il sédimente en même temps son aventure, ce moment où il élabore les options, les choix de son histoire.

Mais ce moment a ceci de particulier qu’il se situe à un point limite entre les différents échanges et débats qui ont peu ou prou construit les « problèmes » qu’il s’agit de solutionner et la mise en acte de ce qui a été décidé. Il interrompt en quelque sorte une forme d’agencement collectif pour en déclencher une nouvelle. Sa singularité se situe dans la découverte et la formulation des différentes pistes « possibles », « probables », « souhaitables » qu’un groupe élabore en vue de répondre à l’une ou l’autre question ou problème qu’il cherche à transformer.

Le moment de la décision est donc une étape dans un cheminement. Étape qui dépend en bonne partie de la manière dont se sont déroulées les précédentes. Et si le groupe les a évacuées rapidement, il y a de fortes chances pour que les décisions prises soient à la hauteur de sa précipitation. La difficulté dans cette histoire de décision réside donc en partie là : « l’amont » est souvent délaissé au profit d’un « que faire ? »
À cette question des différentes étapes qui élaborent la possibilité de prendre une « bonne » décision fait écho celle du mode choisi : la prend-on au vote ou au consensus ? Ces deux modalités décisionnelles ne se distinguent pas seulement par leur forme, mais engagent deux manières de penser et de vivre le processus de construction collective qui amène à la décision.

[1« Dictionnaire étymologique du Français », Jacqueline Picoche, Les Usuels du Robert, Le Robert, Paris, 2002.

[2Terme anglais, sans traduction littérale, qui désigne le passage d’une situation à une autre où les capacités des personnes et du collectif se voient « grandies », « renforcées ».

[3« Retranscription de l’intervention d’Isabelle Stengers », dans le cadre d’un Atelier de recherche et de formation intitulé « Penser = créer », organisé le 19 avril 2000 au Centre Nerveux d’Ottignies (Belgique).

[4On connaît ces très nombreux cas où, faute d’avoir été rappelées clairement et en tant que telles en fin de réunion, bien des décisions furent rapidement oubliées ou restèrent interprétées par certains comme de simples suggestions ou propositions non tranchées…Ambiance garantie à la première occasion !

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