B. Le mouvement interne
La charpente définit et indique donc un certain nombre de repères dans lesquels le groupe et les corps qui le constituent vont pouvoir voyager. La charpente indique, elle suppose, elle permet, mais elle ne nous dit pas grand-chose sur les mouvements qui s’opèrent en son sein. On peut avoir une très jolie charpente, toute ficelée, bien détaillée, qui soutient un groupe mort : tout est là et pourtant rien ne se passe. Car, comme on le verra plus loin, la charpente peut ouvrir au mouvement mais elle ne peut pas le créer, elle peut freiner le mouvement mais elle ne peut pas l’empêcher.
Il s’agit donc de relativiser l’importance de la charpente. Elle est en somme seconde par rapport au mouvement du groupe, elle n’en est que la fixation provisoire et a posteriori. Il y a donc « d’abord » une force qui trace des variations d’énergies captées par d’autres forces, « puis » il y a ces forces qui se mettent à leur tour à propager, à rayonner. « Ensuite » arrivent des formes de structuration informelle et formelle de ces champs de forces qui se constituent. En somme, des points de fixation, de régulation. C’est sans doute trop vite dit, trop (chrono)logique, le processus réel est plus chaotique mais disons qu’une tendance passe par cette dynamique-là. Pour le dire autrement, dans une histoire collective, deux lignes vont cohabiter : tantôt le groupe produira une énergie qui bousculera la charpente qu’il s’est fixée ; tantôt un devenir fonctionnaire s’emparera de lui. Et il n’y a pas d’exclusivité : les deux mouvements peuvent avoir lieu au même moment, chacun avec des intensités différentes.
[1] Jo Freeman, « La tyrannie de l’absence de structure », 1970, disponible sur www.infokiosque.net
[2] Journal officiel en Belgique où sont quotidiennement publiés tous les textes de lois ainsi que ceux relatifs (et obligatoires) aux différentes formes d’associations, qu’elles soient lucratives ou non, ce qui les rend “officielles” et opposables aux tiers et leur confèrent en même temps une personnalité juridique propre.
[3] Toutes les citations qui suivent sont reprises de la revue Recherches, “ Histoire de La Borde, dix Ans de Psychothérapie institutionnelle ”, Paris, 1976. Cette étude a été réalisée par cinq membres du Cerfi, “ Centre de Recherche et de Formation institutionnelles ”. Elle couvre les dix premières années, de 1953 à 1963.
[4] Voir par exemple le livre “ Pratique de l’Institutionnel et Politique ” de J.Oury, F.Guattari, F. Tosquelles, éd. Matrice, Paris, 1985
[5] Il nous faut ajouter un quatrième secteur, celui de l’administration. Mais pour la clarté du texte, nous l’avons mis entre parenthèses.
[6] En ’57, douze personnes travaillent dans ce secteur, soit 30% du personnel salarié de la clinique. Quatre différences objectives les distinguent des autres : ce sont des gens du pays, elles n’ont pas de formation de type “ psychiatrique ”, elles n’habitent pas le domaine, elles sont moins bien payées.
[7] Si peu de choses se passent sur ce front-là durant les cinq premières années, les autres projets de la clinique débordent d’activités : invention d’une myriade d’ateliers avec les patients, - de 30 au départ, ceux-ci sont près de 100 en 1957-, édition de journaux politiques, réflexions sur la psychiatrie et sur les politiques qui y sont menées, luttes d’appoint aux combats des algériens ou contre la bureaucratisation du PCF… sans oublier la vie communautaire.
[8] PCUS : Parti communiste de l’Union Soviétique. Ce congrès fut marqué par une critique du stalinisme et par certaines ouvertures du régime.
[9] Contrairement à aujourd’hui, le climat subjectif était dans ce genre de milieu fort peu tourné vers un plan de carrière “ vu que, de toute manière, la révolution va advenir, dans cinq ans pour les optimistes ou dans quinze ans pour les pessimistes ”.